La semaine dernière, je vous proposais de profiter de l’été pour vous emmener en balade et vous faire découvrir mes monuments préférés destination par destination. Après la belle cité médiévale de Poitiers, mettons le cap vers Paris, destination touristique incontournable dont l’intérêt patrimonial n’est pas à démontrer. Inutile de vous parler du Louvre, du musée d’Orsay, ou de la cathédrale Notre-Dame, vous trouverez un nombre incalculable de sites vous détaillant ces endroits par le menu. Même s’il sera difficile - voir quasiment impossible - de vous surprendre, laissez-moi vous guider et vous faire découvrir mon top 5 des monuments (un peu moins connus) à voir à Paris.
Le musée Nissim de Camondo
Si je devais choisir un seul hôtel particulier à vous conseiller lors de votre séjour à Paris, je choisirais incontestablement celui-ci. Bien moins en vogue que le musée Jacquemart-André du boulevard Haussmann, le musée Nissim de Camondo est pourtant tout aussi intéressant.
De prime abord, cet édifice installé en lisière du parc Monceau sait se faire discret. L’accès au bâtiment se fait depuis la rue Monceau, au numéro 63. Lorsque Moïse de Camondo achète ce terrain en 1911, il accueille déjà un hôtel particulier que son nouveau propriétaire fait entièrement raser. Il confie la construction de sa nouvelle demeure à l’architecte René Sergent, à qui l’on doit également l’hôtel particulier Heidelbach qui accueille une partie des collections du musée Guimet.
Le corps de bâtiment sur rue est relativement modeste, composé de deux niveaux seulement. Il laisse à peine entrevoir la richesse de la demeure qu’il dissimule. Le corps de logis situé entre cour et jardin est en revanche bien plus cossu, conforme au rang social de son riche commanditaire. Il s’élève sur trois niveaux surmontés d’une toiture-terrasse s’inspirant ainsi du Trianon de Versailles. Côté jardin, une harmonieuse rotonde vient marquer l’angle du bâtiment et offrir à ses occupants une vue imprenable sur le jardin et dans son prolongement, le parc Monceau.
L’histoire tragique de son propriétaire, indissociable du lieu et de sa transformation en musée, nous est contée dans une vidéo : Moïse de Camondo était un éminent banquier d’origine juive mais aussi un collectionneur d’art passionné. Il est marié et père de deux enfants. Son fils aîné, Nissim, décède à l’âge de 25 ans après s’être engagé dans l’armée de l’air. Béatrice, sa fille sera quant à elle déportée à Auschwitz avec son mari et ses enfants. Sans héritiers directs, Moïse de Camondo décide de transformer sa demeure en musée et de léguer aux institutions françaises. Ultime hommage à son fils, Moïse indique dans son testament qu’il souhaite nommer le musée Nissim de Camondo.
A la mort de son fils, Moïse tente de masquer son désespoir en se consacrant à sa passion pour l’art et s’emploie à constituer une impressionnante collection de mobilier et objets d’art du XVIIIe siècle, avec dès le départ l’idée de la léguer un jour à l’Union centrale des Arts décoratifs, aujourd’hui musée des Arts décoratifs. Dans son testament, Moïse de Camondo ne laisse rien au hasard et décrit précisément les transformations et aménagements à réaliser pour que son hôtel particulier soit légué à la France. Ainsi, l’agencement de chacune des pièces y est minutieusement détaillé, aucun meuble ne devant être déplacé si ce n’est pas expressément indiqué dans le testament. Que ce soit dans la salle à manger, le petit salon ou le bureau, rien n’est laissé au hasard ou à l’interprétation des nouveaux gestionnaires du musée.
Musée Nissim de Camondo 63 rue Monceau 75017 Paris
Pour les horaires et infos pour la visite, c’est par ici
Les arènes de Lutèce
Direction le Ve arrondissement pour ce monument le plus ancien mais aussi probablement le plus connu de ce top. Non loin de la place Monge et de ses nombreux bars ainsi que du jardin des Plantes, rendez-vous au 49 rue Monge.
Les arènes de Lutèce remontent au Ier siècle de notre ère et constituent un vaste amphithéâtre de 17 000 places, soit un peu moins que celles de Nîmes. Je suis loin d’être une spécialiste de la période antique, toutefois j’ai entendu parler des fouilles archéologiques du début des années 2000 qui tendraient à démontrer que la Lutèce gauloise a initialement été fondée à Nanterre et non à Paris même. Il est cependant attesté que la cité gallo-romaine de Lutèce, sous domination romaine donc, s’est elle bien développée sur l'île de la Cité. C’est de cette période que date l’amphithéâtre que je vous propose de découvrir aujourd’hui.
Si l’on sait que ces arènes ont fait l’objet d’une première rénovation au VIe siècle, elles se retrouvent peu à peu abandonnées et ensevelies, à cause des nombreux chantiers de construction successifs dans le quartier.
Presque oubliées, les arènes de Lutèce sont redécouvertes à l’occasion du percement de la rue Monge et, afin d’éviter leur destruction totale, certains réclament leur protection. Victor Hugo, fervent défenseur du patrimoine à qui l’on doit également la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, apporte son soutien à la société des Amis des Arènes. En 1884, ils obtiennent gain de cause et les vestiges sont classés monuments historiques.
Le temps a fait son oeuvre et les vestiges qui ont pu être sauvés sont assez modestes. Toutefois la préservation du site a permis de replacer l'amphithéâtre au cœur de la vie quotidienne des parisiens puisqu’il est librement accessible en journée.
Le musée Gustave Moreau
Plus qu’un musée, il s’agit en fait de l’atelier du peintre symboliste Gustave Moreau (1826 - 1898), qui saura ravir les curieux. Si vous connaissez cet artiste, alors cet endroit est fait pour vous puisque ce sont des milliers d'œuvres qui sont regroupées dans les collections du musée. Si vous ne le connaissez pas, une petite visite de son atelier vous plongera dans l’univers tout en symbole de Gustave Moreau.
Né à Paris, Gustave Moreau se forme aussi bien en Italie, en s’imprégnant des toiles des Maîtres de la Renaissance qu’en France auprès de ses contemporains, à l’instar d’Eugène Delacroix et Théodore Chasseriau. Rapidement, il se consacre à la peinture d’histoire et s’empare des grands mythes qu’il met en scène dans des toiles ambitieuses. Orphée, Prométhée ou encore Salomé et son envoûtante danse devant Hérodote n’ont pas de secret pour Moreau. Loin de l’univers dépouillé et simple des réalistes, le peintre propose au contraire des toiles au décor chargé et inondé de lumière divine. Loin de lui l’idée de représenter le réel de manière brute. Ce qu’il recherche c’est au contraire la transposition d’une réflexion intellectuelle poussée et de sa perception des choses. Tout son travail est tourné vers une élévation spirituelle, un éveil et une interprétation des symboles divins.
Parfois incompris par ses contemporains, Gustave Moreau comprend que s’il veut transmettre son travail et donc le message qu’il souhaite faire passer aux générations futures, il doit lui-même créer un lieu qui accueillera ses œuvres. Ainsi, il décide de léguer à l’Etat français son atelier et les toiles qu’il contient, à la condition que celui-ci soit transformé en musée et ouvert au public.
Vu depuis la rue de La Rochefoucauld, l’immeuble situé au numéro 14 est cossu et ne ressemble pas vraiment à l’image un peu bohème à laquelle renvoie un atelier d’artiste. Quand on pense à ce genre d’endroit on a plutôt tendance à imaginer un endroit modeste au confort quasiment inexistant. Mais Gustave Moreau est un peu privilégié, dans la mesure où sa famille est aisée - son père est architecte - et peut lui offrir cette maison dans laquelle il pourra tout à la fois vivre et travailler, installant son atelier au troisième étage.
A l’intérieur, vous découvrirez l’ampleur du travail de Gustave Moreau dans un empilement de toiles, aquarelles et esquisses préparatoires assez impressionnant. Il ne reste rien de l’appartement, intégralement transformé en musée selon la volonté du peintre, si ce n’est le majestueux escalier qui vous conduira à l’atelier.
Tout comme Moïse de Camondo, Gustave Moreau a tout prévu, jusque dans l’accrochage des différentes œuvres dans les différents espaces du musée. C’est toujours cet aménagement réalisé pour l’ouverture de l’atelier en 1903 que vous pourrez découvrir aujourd’hui.
Musée - atelier Gustave Moreau 14 rue de La Rochefoucauld 75009 Paris
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La maison La Roche et la maison Jeanneret - Pierre Jeanneret et Le Corbusier
Attention, on change totalement d’ambiance et d’arrondissement avec ces maisons dont le style architectural est à l’opposé des monuments dont je viens de vous parler. Lorsqu’on évoque le patrimoine, on a toujours tendance à imaginer des édifices au style très classique, et dont la construction ne remonte pas plus loin que le début du XXe siècle. Pourtant, les architectes du siècle dernier n’ont pas manqué de créativité. Parmi eux, un architecte-star à l’origine de la naissance du mouvement moderne : Charles-Edouard Jeanneret-Gris, dit Le Corbusier (1887 - 1965 ).
J’ai déjà évoqué ce courant et le rôle essentiel de Le Corbusier dans mon précédent article qui traitait de l’architecture contemporaine (à lire ici), je ne vais donc pas entrer dans les détails. Toutefois, parce qu’une petite piqûre de rappel n’a jamais fait de mal à personne, je vous remets en mémoire les cinq principes fondateurs de l’architecture moderne selon son fondateur : un plan libre, une toiture-terrasse, des fenêtres en bandeaux, une façade libre et une construction sur pilotis.
Ces principes de construction, rendus possibles grâce aux innovations techniques et à l’utilisation du béton, permettent à l’architecte de proposer une forme de bâtiment totalement inédite et libérée de toute contrainte structurelle. Une vraie révolution !
La réalisation la plus célèbre de Le Corbusier qui répond à ce cahier des charges est la villa Savoye, située à Poissy. Toutefois, il existe deux maisons situées à Paris intra muros qui vous permettront de découvrir le mouvement moderne : la maison La Roche et la maison Jeanneret.
Pour les découvrir, rendez-vous au 10 square du Docteur Blanche. Eh oui, pour les trouver il va falloir être vigilant puisqu’elles sont nichées au fin fond d’une voie privée du XVIe arrondissement. Inutile donc d’espérer tomber dessus par hasard, pour les voir, il faut les chercher !
Cette commande provient d’un riche (est-il nécessaire de le préciser?) banquier suisse, collectionneur d’art moderne qui souhaite y entreposer ses nombreuses acquisitions. Le Corbusier travaille de concert avec son cousin, Pierre Jeanneret pour créer un ensemble architectural de plusieurs bâtiments. Pierre Jeanneret est en charge de la construction de la maison Jeanneret, destinée à accueillir une famille, quand Le Corbusier se consacre à la maison de Raoul Albert La Roche.
Les bâtiments sont imbriqués l’un dans l’autre, avec les pièces de vie au rez-de-chaussée, et la galerie d’art à l’étage, construite sur les fameux pilotis chers à l’architecte. Dans un tissu urbain aussi dense que celui-ci, ce principe prend alors tout son sens, puisqu’il permet de libérer l’espace au sol et d’aménager un espace extérieur végétalisé. A l’intérieur, de vastes espaces peu cloisonnés qui donnent à leurs occupants une liberté d’aménagement et de mouvement inédite, tout en bénéficiant d’un apport de lumière généreux grâce aux larges ouvertures présentes sur les façades.
Si la maison Jeanneret, qui accueille aujourd’hui la Fondation Le Corbusier, ne se visite pas, vous pouvez en revanche découvrir la maison La Roche et vous faire ainsi une idée des concepts développés par Le Corbusier et qui sont encore aujourd’hui une source d’inspiration pour les architectes contemporains. Ces bâtiments sont classés monuments historiques depuis 1996 et inscrits au Patrimoine Mondial de l’UNESCO depuis 2016.
Maison La Roche, 10 square du Docteur Blanche, 75016 Paris
Horaires de visite et autres infos ici
L’hôtel particulier d'Hector Guimard
On reste dans le XVIe arrondissement mais on change encore de style, tout en remontant un peu le temps pour s’arrêter à la toute fin du XIXe siècle. Cette époque charnière de l’histoire de l’art voit naître un courant artistique audacieux : l’Art Nouveau.
Comme son nom l’indique si bien, ce mouvement naît de la lassitude et du manque de renouveau ressentis par certains artistes européens de la fin du siècle. Les modes se font et se défont et l’on a vu revenir le classicisme, le baroque, la mode antique. Bref, pour certains, on tourne en rond. Le besoin de renouveau se fait pressant et se répand à travers l’Europe. En Autriche, on parle même de Sécession avec notamment le style novateur de Klimt (j’en parlais justement dans cet article sur l’excellente exposition numérique de l’Atelier des Lumières). En France, on parle plutôt d’Art nouveau et ce mouvement est porté par Hector Guimard (1867 - 1942).
Presque tout le monde connait le nom de cet artiste touche-à-tout, ou en tout cas chacun d’entre nous le connaît sans le savoir. C’est en effet à lui que l’on doit les plus beaux édicules de métros de Paris. Hector Guimard est l’architecte le plus emblématique de ce mouvement en France. Il puise son inspiration dans le travail de l’architecte belge Victor Horta, lui-même figure majeure de ce mouvement de rébellion architecturale dans son pays. A sa formation on ne peut plus classique, Guimard ajoute le maniement des courbes et fait onduler ses façades au rythme de ferronneries ouvragées et de vitraux colorés.
Et puisque l’Art Nouveau se veut un art total dans lequel l’architecte d’un bâtiment en conçoit le décor jusque dans les moindres détails, Hector Guimard n’est pas seulement architecte. Il est aussi concepteur de vitraux, designer de meubles, de vases ou autres bibelots et dessinateur de papiers peints.
Pour admirer le talent indéniable de Guimard, vous pouvez vous rendre au 122 avenue Mozart. Vous y trouverez l’hôtel particulier dans lequel l’artiste a vécu de nombreuses années, avant que celui-ci ne soit légué à l’Etat. Ce bâtiment ne se visite pas puisqu’il a finalement été vendu à la découpe, mais la simple observation de ses façades vaut le coup d'œil. Comme souvent avec les édifices issus du mouvement Art Nouveau, un simple regard suffit à reconnaître ce style architectural bien particulier : tout est dans le détail, la fantaisie et la créativité. On est à l’opposé du style haussmannien ultra codifié qui a envahit Paris au milieu du XIXe siècle !
Si on ne peut que regretter que l’Etat n’ait pas transformé ce leg en musée, comme ce fut le cas pour le musée Nissim de Camondo ou l’atelier de Gustave Moreau, certaines pièces ont été totalement conservées et reconstituées. Ainsi, vous retrouverez le salon de cet hôtel particulier exposée au Petit Palais, ou encore la chambre à coucher de Madame Guimard au musée des Beaux-Arts de Lyon.
Plus d’infos sur Hector Guimard par ici.
Si vous êtes passés à côté de mon top 5 des monuments à voir à Poitiers, vous pouvez le retrouver ici.
La semaine prochaine, On change complètement de décor, puisque je vous emmène à Séville.
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