De la peinture au cinéma, il n’y a parfois qu’un pas… que de nombreux cinéastes n’ont pas hésité à franchir ! Les amateurs de pop culture sont habitués à tenter de reconnaître les références cinématographiques à d'autres films ou à des livres cultes. Et si vous posez un œil attentif sur les décors de vos films préférés, vous constaterez que certains réalisateurs se sont amusés à y dissimuler des chefs-d'œuvre de l’histoire de l’art. Je vous propose de découvrir 5 œuvres d’art cachées dans vos films préférés, ou quand l’art se fait une toile.
1. Les Demoiselles d’Avignon de Pablo Picasso / Titanic de James Cameron
On commence avec un grand classique, l'incontournable (et un peu long) Titanic de James Cameron. Je ne vais pas vous faire l'affront de vous détailler le pitch de ce film historique, qui raconte l'histoire d'amour improbable de Rose (Kate Winslet) et Jack (Léonardo Dicaprio) à bord du Titanic.
Issue de la haute société britannique, Rose voyage en première classe, avec à bord de sa cabine (que dis-je, de sa suite) un grand nombre de bagages. Et le véritable joyau présent à bord du navire n'est pas le "coeur de l'océan", mais plutôt une célèbre toile qui semble s'être glissée dans la cabine : les Demoiselles d'Avignon de Pablo Picasso (1881-1973).
L'oeuvre, peinte en 1907, est une véritable révolution dans le monde de l'art annonçant l'ère moderne qui allait suivre. Picasso sait dessiner dans un style très classique, mais cela l'ennuie. Afin de bouleverser les codes académiques, il créée une toile en rupture totale avec ce qui se fait à cette époque : des corps nus dans des poses provocantes, des visages qui ressemblent à des masques africains, des couleurs vives.
Les demoiselles d'Avignon est ainsi la première toile cubiste jamais réalisée. Un clin d'oeil artistique discret au caractère rebelle du personnage de Rose.
2. Le fils puni de Jean-Baptiste Greuze / Le Guépard de Luchino Visconti
Dans ce film de Luchino Visconti, adaptation d'un roman de italien de Giuseppe Tomasi di Lampedusa, on assiste au déclin progressif de la noblesse et de l'ordre établi, à mesure que la société avance vers la modernité. Alain Delon y tient le rôle de Tancrède, un aristocrate à la fois optimiste et opportuniste qui entend bien occuper une place importante au sein de cette bourgeoisie de plus en plus puissante. Mélancolique et dramatique, Le Guépard est une remarquable fresque historique qui dépeint avant tout la fin d'une époque.
A la fin du film, le prince de Salina quitte la salle de bal pour s'isoler dans la bibliothèque et contempler une toile. Dans le roman, ce tableau est désigné sous le nom de "La Mort du Juste" mais il s'agit en réalité d'une oeuvre de Jean-Baptiste Greuze (1725-1805), peinte en 1778. Cette toile, conservée au musée du Louvre, fait partie d'une diptyque, la Malédiction paternelle.
Je vous ai déjà parlé de Greuze lors d'un précédent article, consacré à l'analyse du tableau La cruche cassée. Cet artiste français du XVIIIe siècle a peint de nombreuses toiles consacrées aux valeurs morales et familiales de son époque. La Malédiction paternelle est composée de deux toiles, le Fils ingrat, et le Fils puni. Elle conte l'histoire d'un jeune homme qui s'engage dans l'armée contre la volonté de son père. Ce fils ingrat sera finalement puni par le destin, puisqu'à son retour, il apprendra que son père est mort de chagrin.
3. La saga Harry Potter / La Dame à la licorne
C'est probablement le clin d'oeil le plus célèbre de ce classement, tant la communauté de fans de la saga Harry Potter est attentive à ce genre de détails. Pour ceux qui ne l'aurait pas remarqué, les murs de la salle commune de Gryffondor sont recouverts d'une tapisserie médiévale, et pas n'importe laquelle : les tentures de la Dame à la Licorne.
Ce trésor de l'art médiéval conservé au musée de Cluny, à Paris, est présent dans de nombreuses scènes de la saga. La Dame à la licorne correspond parfaitement à l'ambiance magique de la saga littéraire, adaptée au cinéma successivement par Chris Colombus, Alfonso Cuaron,, Mike Newell et David Yates.
Considérée comme la Joconde du Moyen-Âge (ni plus, ni moins !) est un ensemble de 6 tapisseries mystérieuses, tissés au XVème. La Dame à la Licorne, c'est cette jeune femme richement vêtue qui trône dans un décor féérique et végétal aux couleurs vives. Les cinq premières tapisseries symbolisent les cinq sens : le toucher, le goût, l'odorat, l'ouïe et la vue. La dernière tapisserie, la plus mystérieuse, correspondrait au sixième sens, et laisse une grande place à l'interprétation. Elle comporte une inscription, "Mon seul désir", encadrée des initiales A et I. Celles de deux amants ? Ou bien s'agit-il d'une devise ? D'un voeu pieux (rappelons que nous sommes au Moyen-Âge, dans une France fortement chrétienne) ? Mystère...🤷♀️
Si cette sixième et dernière tapisserie est celle qui nous saute le plus aux yeux quand on regarde les films, sachez qu'elle n'est pas la seule à y apparaitre. Vous pouvez également reconnaitre une partie de la tapisserie de la vue entourant une porte, pour ne citer qu'elle.
4. Le dîner de cons / Job raillé par sa femme de Georges de La Tour
C’est dans le salon cossu et un brin kitsch (bonjour la déco des années 90 !) de Pierre Brochant que vous pourrez repérer ce chef d'œuvre. Parmi les nombreuses oeuvres d’art que possède le personnage campé par Thierry Lhermitte, se trouve notamment la toile de Georges de La Tour, Job raillé par sa femme.
Georges de la Tour (1593 - 1652) est un artiste dont le talent lui a valu un grand succès de son vivant. Il manie la technique du clair-obscur avec brio, et son style baroque ne sera pas sans vous rappeler un de ses célèbres contemporains, bien qu’il choisisse des thèmes moins crus que Le Caravage. Il a consacré de nombreuses toiles à représenter des sujets religieux. Si vous ne connaissez pas cet artiste, je vous invite à profiter de la mise en ligne récente de l’intégralité des collections du Louvre par le musée lui-même, en attendant sa réouverture au public.
Ici, nous retrouvons Job, dont la foi est mise à rude épreuve dans la Bible par Satan et Dieu. Il subit la perte de ses biens, de ses enfants et la souffrance physique sans remettre en question sa croyance. Son épouse est incrédule face à cette absence de rébellion et le raille tandis qu’il soigne ses brûlures avec un simple tesson de poterie.
Comme souvent avec Georges de La Tour, la composition est simple, sans éléments superflus, mais efficace. La flamme de la bougie, seule source de lumière de la toile, révèle la présence de Dieu, au côté de Job malgré les épreuves qu’il lui fait subir. Vous pouvez admirer cette œuvre au musée départemental d’art ancien et contemporain d’Epinal.
5. Vanilla Sky / La Seine à Argenteuil de Monet
Vanilla Sky, de Cameron Crowe, est sorti sur nos écrans en 2011. C'est en fait un remake du film espagnol Ouvre les yeux, réalisé par Alejandro Amenábar quelques années plus tôt. Dans ce film que je trouve plutôt bon (même si d'après de nombreux spectateurs il n'égale pas l'original !), David Aames (Tom Cruise) tombe sous le charme de Sofia Serrano, jouée par Penélope Cruz. Ils filent le parfait amour lorsque David est victime d'un grave accident de voiture, qui remet toute sa vie en cause. Voilà pour l'intrigue ! Je ne vous en dis pas plus, pour éviter les spoilers 🤫.
David Aames est riche. Très riche. Très très riche. Son appartement est rempli d'oeuvres d'art célèbres, parmi lesquels des oeuvres de Monet. Si j'ai choisi de vous montrer la Seine à Argenteuil, c'est parce qu'elle ne fait pas de la figuration mais contribue à l'intrigue. Mais surtout, c'est cette oeuvre qui donne son nom au film. Ce fameux "ciel vanille", c'est celui peint par Monet en 1873.
La ville d'Argenteuil, située au nord de Paris, a joué un rôle important dans l'effervescence impressionniste de la fin du XIXème siècle. Plusieurs artistes se sont intéressés à ses bords de Seine bucoliques, parmi lesquels Monet ou Renoir. Dans ce toile, conservée à Grenoble, Monet réalise un travail remarquable sur la lumière, qui se reflète dans la Seine. Monet aime l'eau et il lui accorde souvent une place centrale dans ses oeuvres. Qu'il s'agisse de la mer agitée d'Étretat, de l'eau calme du bassin aux nénuphars de Giverny, ou de la Seine, Monet aime glisser dans ses toiles un subtile jeu de miroirs.
6. (Bonus) Bean, le film le plus catastrophe / portrait de la mère de Whistler
Cette référence-là n'est pas vraiment cachée, mais il m'était impossible de ne pas l'évoquer, tant ce film a bercé mon enfance ! L'arrangement en gris et noir n°1 est un portrait de la mère de son auteur, le peintre américain James Abbott McNeill Whistler. Il est conservé au musée d'Orsay, et son rapatriement aux Etats-Unis est au coeur de l'intrigue de ce film.
Les américains sont très attachés à ce portrait de la mère de Whistler, qui semble évoquer par certains aspects l'art de l'estampe : les teintes grises et neutres, l'univers dépouillé de la pièce, et la mise en scène simple.
Dans le film, la toile est presque un protagoniste à part entière, et c'est bien autour de la mère de Whistler que l'intrigue s'est construite. Mal lui en a pris ! Je vous laisse découvrir le résultat par vous-même...
Vous connaissez d'autres références cachées dans vos films préférés ? Dites-le nous en commentaires !
À bientôt sur Plume d'Art !
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