Cette semaine, je vous propose de revenir à Paris et de visiter le Louvre, qui n’est rien d‘autre que le musée le plus visité au monde, avec plus de 10 millions de visiteurs chaque année (hors pandémie, bien sûr). Il faut dire que cette ancienne résidence royale a été transformée en musée au XVIIIe siècle afin d’accueillir les importantes collections de la Couronne et n'a cessé d'enrichir ses fonds depuis. Autant vous prévenir tout de suite, avec plus de 554 000 œuvres et 72 735 m2 de galeries d’exposition, il est impossible de visiter le musée du Louvre en une seule fois ! Vous perdriez votre temps à courir à travers les étages pour finalement ne rien apprécier de votre visite. En dehors des immanquables chefs d’oeuvres que sont la Joconde, la Vénus de Milo ou encore la Liberté guidant le peuple, pas facile de faire son choix ! Pour vous aider à constituer votre parcours de visite, je me suis fixée comme mission (quasi impossible !) de vous présenter mon top 5 des œuvres à voir absolument au musée du Louvre.
Les portraits du Fayoum
La première œuvre dont je souhaite vous parler est en fait une série d'œuvres située dans le Département des Antiquités Égyptiennes, la plus célèbre collection du musée du Louvre. Ces portraits sur bois ont été réalisés entre le Ier et le IVe siècle de notre ère, lorsque l’Egypte était sous domination romaine. Ils ont été découverts par l’archéologue britannique Flinders Petri sur le site de fouilles de la pyramide d’Hawara, à proximité de l’oasis du Fayoum.
Ces portraits, qui remplissent la fonction de masques funéraires et étaient déposés sur le visage des momies, sont un témoignage inédit de la représentation de la figure humaine dans l’Egypte antique. Sur chaque portrait, le visage du défunt est représentée non pas de profil mais de face. Le regard est un élément central du portrait : il est toujours grand, ouvert, parfois fuyant. Les détails sont particulièrement soignés avec une réelle volonté de personnifier le défunt. En effet, chaque personne est coiffée, habillée et vêtue différemment, ces détails révélant le statut social plus ou moins élevé du modèle. Leur analyse se révèle ainsi particulièrement intéressante, puisqu’elle démontre le mélange de style entre l’art funéraire traditionnel égyptien et le style pictural romain.
En tout, ce sont plus d’une soixantaine de portraits qui sont mis à jour lors de ces fouilles, dont certains sont conservés au musée du Louvre.
Pour en savoir plus sur ces portraits, voici un article très complet du National Géographic à lire ici.
La mort de la Vierge - Le Caravage
Direction l’aile Denon du Département des peintures pour découvrir cette œuvre saisissante du Maître incontesté du clair-obscur : Le Caravage ( 1571 - 1610 ). Je vous ai déjà parlé de cet artiste en vous présentant la toile de David tenant la tête de Goliath, vous pouvez retrouver l'article sur cette page. Artiste tourmenté dont la vie fut aussi courte que romanesque, Le Caravage a laissé un héritage fondamental pour l’histoire de l’art. Ses œuvres sont inimitables et malgré de nombreux suiveurs, le clair-obscur et le réalisme brut qui transcendent ses toiles sont facilement reconnaissables.
Comme à son habitude, l’artiste suscite l’émoi et l’indignation lorsqu’il présente cette toile ayant pour sujet la mort de la Vierge. Ce n'est pas le thème qui choque, puisqu'il répond à une commande de l'Eglise, mais la manière dont celui-ci est traité. Il faut dire que Le Caravage ne manque pas d’audace, cette œuvre étant destinée à être exposée dans une chapelle ! Lorsque les moines découvrent la Vierge représentée sans gloire, telle une personne ordinaire, pieds nus et sans aucun attribut permettant de l’identifier, c’est un choc. De plus, la rumeur dit que le peintre aurait choisi pour modèle une des nombreuses prostituées qu’il fréquente… La toile est aussitôt refusée et remplacée par une œuvre beaucoup plus consensuelle de Carlo Saraceni, et à mon sens, beaucoup moins percutante.
Pourtant, cette oeuvre révèle une fois de plus le génie du Caravage qui nous livre ici une scène d’une grande intensité dramatique. La mise en lumière de Marie, entourée de ses ultimes compagnons dont la tristesse et la stupeur ne sont pas dissimulées, est particulièrement réussie. On a l’impression que la défunte vient de rendre son dernier souffle. Comme toujours, l'artiste italien nous livre une composition saisissante de réalisme.
Hermaphrodite endormi - Le Bernin
La première fois que j’ai découvert cette statue, je suis tombée dessus totalement par hasard en me promenant dans la salle des Cariatides, au Département des Antiquités grecques et romaines du musée. D'habitude, je ne suis pas particulièrement amatrice de sculptures antiques, d'ailleurs je n'aborde presque jamais ce thème sur mon blog. Je sais reconnaître la qualité de ces œuvres et leur grand intérêt tant artistique qu’historique, mais voilà, je suis bien plus sensible à la peinture et à l’architecture. Toutefois, cet Hermaphrodite endormi m’a tout de suite interpellée.
Ce marbre a été découvert à Rome près des thermes de Dioclétien, et comme pas mal de sculptures romaines de l’Antiquité, il s’agit d’une copie, tout du moins d’une œuvre inspirée par une statue grecque. Il représente une silhouette féminine paisiblement endormie, dont la nudité n’est que partiellement dissimulée par le drap qui l’enveloppe. De dos, on découvre la nudité féminine telle qu’elle est classiquement représentée dans l’Antiquité, voluptueuse et harmonieuse. En tournant autour de la statue, on découvre toutefois le réel sujet de l'œuvre : l’hermaphrodisme. Cette mise en scène semble avoir été savamment étudiée pour surprendre son spectateur. C’est réussi !
La statue d’Hermaphrodite a été sculptée aux alentours du IIe siècle. Toutefois, le matelas très réaliste sur lequel il repose n’a été conçu que bien plus tard, au moment de sa redécouverte dans le parc de l’église Santa Maria della Vittoria. En 1608, le cardinal Borghese, désormais propriétaire de l'œuvre, commande ce matelas à un sculpteur baroque très en vue, Gian Lorenzo Bernini, dit Le Bernin. C’est l’occasion de réunir au sein d’une même composition deux époques de la sculpture italienne.
Le verrou - Jean-Honoré Fragonard
Impossible de ne pas inclure à ma sélection une oeuvre de Fragonard, tant j’admire son travail. Cet artiste est pour moi révolutionnaire et conçoit des toiles à l’opposé des grands formats qui font l’objet de tant d’admiration au musée du Louvre. D’ailleurs, un grand nombre de visiteurs passent totalement à côté de son travail tant il y a d’oeuvres “de premier plan” à voir au Louvre, et c’est bien dommage !
Là où un David peint pour la postérité et la propagande impériale (rappelez-vous de son fameux Sacre de Napoléon qui fait plus de 6 mètres de hauteur et de 9 mètres de long !), Jean-Honoré Fragonard (1732 - 1806) est le peintre de l’intime. Il conçoit des toiles de petits formats destinées non pas à des appartements d’apparat, mais au contraire à des espaces plus confidentiels. Peintre rococo parmi les plus fameux, il développe une palette de couleurs pastels et une touche vaporeuse qui donne à ses toiles un rendu volontairement flou quoique toujours attrayant. Ses sujets sont légers, voire subtilement libertins, à mille lieux de la grande peinture d’Histoire qu’il a très vite délaissée.
En 1777, il réalise cette (toute) petite toile de 73 cm x 93 cm que vous pourrez observer dans le Département des peintures. Le lit défait, la pomme et la couleur rouge évoquent sans nulle doute le libertinage, avec toutefois une incertitude qui repose sur l’attitude des deux personnages : la jeune femme tente de s’enfuir et de résister à l’étreinte ? Ou au contraire essaie-t-elle de retenir son amant qui s’apprête à partir ? Le verrou est -il en train d’être ouvert ou refermé ? Libre à vous d’imaginer ce que bon vous semble…
Les spécialistes estiment que cette toile a été en réalité été conçue en même temps qu’une seconde œuvre, l’Adoration des Bergers, également conservée au Louvre et dont le format est identique. Ainsi, Fragonard aurait souhaité représenter à travers ces deux toiles les deux versions de l’Amour : le profane et le sacré.
Portrait d’une femme noire - Marie-Guillemine Benoist
Pour finir ce top 5, nous n’irons pas loin puisque nous ne changeons ni de Département, ni d’époque. Et si nous restons également en compagnie d’un artiste français - une artiste pour être tout à fait exacte - la liste des points communs entre ces deux œuvres s’arrêtent ici.
Marie-Guillemine Benoist (1768 - 1826) est une artiste qui s’est formée à la peinture auprès David, mais aussi de la talentueuse Elisabeth Vigée-Lebrun, portraitiste attitrée de Marie-Antoinette dont je vous parlais à l’occasion de mon article consacré à quelques artistes féminines. Si elle commence par choisir de travailler des sujets historiques tout à fait classiques, Benoist se tourne rapidement vers la réalisation de portraits, art dans lequel elle excelle.
En 1800, soit à peine six ans après l’abolition de l’esclavage, la peintre choisit de représenter une jeune femme noire. Par le choix de ce modèle, mais aussi par la façon dont ce portrait est mis en scène, Benoist affirme ses convictions féministes et abolitionnistes.
Pour entrer un peu plus dans les détails, il est important de commencer par rappeler que la représentation d’une personne noire est un fait relativement rare à cette époque. Et, lorsque une personne non blanche est représentée dans une toile, elle l’est toujours via une vision occidentale caricaturale et fantasmée. Au XVIIIème siècle, les femmes orientales sont par exemple souvent représentées inactives, se prélassant dans des harems, tandis que les femmes noires sont reléguées au second plan et représentées en domestiques.
Avec cette œuvre exposée au Salon, Marie-Guillemine Benoist réalise un portrait dans le style néoclassique qui rompt avec ces clichés : elle réalise une toile au décor quasi inexistant, avec une mise en scène très sobre. Il n’y a pas de vision fantasmée de la femme étrangère dans cette toile. Il s’agit simplement d’un portrait de femme délicat et élégant, la robe et le fichu blancs qu’elle porte servant à mettre en lumière sa couleur de peau. Benoist place son modèle au centre de l'œuvre comme elle le fait pour chaque portrait qu’elle réalise. Toutefois, certains détails sont présents pour nous rappeler la condition d'esclave affranchie de cette jeune femme : le fichu noué sur ses cheveux ainsi que son sein dénudé, détail que l'on ne retrouverait dans aucun portrait de femme blanche au XVIIIe siècle. L'abolition de l'esclavage est bien le thème réel de cette oeuvre.
Tout le monde sait comment trouver les infos nécessaires à une visite du musée du Louvre, je n'en doute pas, mais pour vous faire gagner du temps, je vous remets le lien ici :-)
Si vous avez raté mon article précédent sur mon top 5 des monuments (un peu moins connus) à voir à Paris, c'est par ici !
A bientôt sur www.plumedart.com !
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